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Notre voyage nous emmène à quelques 120 km au Nord-Ouest de Christchurch. |
Partir vivre en Nouvelle-Zélande sans en profiter pour explorer sa nature sauvage serait
comme se priver volontairement de chocolat : très stupide, voire parfaitement insensé. Aussi
lorsque l’idée de passer deux jours en randonnée dans les Alpes du Sud fut lancée par le responsable de l’unité de chimie organique, je ne me fis pas
prier et acceptai la proposition derechef. Les affaires de camping et de trekking n’ayant pas fait partie des choses
essentielles à fourrer dans nos deux valises, ma première mission fut de m’équiper
en conséquence. Le sac à dos et de couchage ayant été gracieusement prêtés par un
des membres de notre petit groupe, il me fallait encore me procurer lampe de
poche et crème solaire, cette dernière étant indispensable à cette latitude, et
d’autant plus en montagne, pour cause de couche d’ozone raréfiée. Restait les
vêtements, mais pour ne pas faire trop de frais, je décidai de me débrouiller
avec ce que j’avais. Heureusement que j’avais quand même les chaussures
adaptées à ce genre de marche ! Tout ce matériel fut organisé tant bien
que mal dans le sac, avec l’eau minérale à portée de main, les affaires de
rechange tout au fond, et le canif à la place du canif. La nourriture et la
vaisselle vinrent ajouter un peu de poids à l’ensemble, histoire de ne pas trop
me faciliter la tâche.
Le dimanche matin, une équipe composée d’un meneur expérimenté et de cinq
clampins se retrouve sur un des parkings de l’université, avant d’être répartie
dans deux voitures. Les deux heures de trajet sont passées à bavarder et à
admirer le paysage face à nous, petit avant-goût de ce qui nous attend. Après
avoir traversé des voies de chemin de fer, un pont et un chemin rocailleux,
nous atteignons notre destination et abandonnons les véhicules. Désormais, nos
pieds seront notre seul moyen de transport. Notre ami Bob Marley aurait aimé,
tiens.
Les premiers instants de cette marche de 30 km en annoncent d’emblée la couleur : au lieu des
agréables chemins pédestres attendus, nous sommes confrontés à un terrain accidenté
et des pentes escarpées à franchir. Après
une demi-heure, nous sommes déjà essoufflés. Heureusement, « That
was the hardest part* », comme le répètera par la suite notre guide une
demi-douzaine de fois.
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On se sent petit, hein? |
Nous passons la majeure partie de la matinée à négocier des passages
délicats en forêt, jusqu’à ce que nous atteignions une petite clairière trop idyllique
que pour ne pas s’y arrêter pour la pause-dîner. L’après-midi, nous crions de
joie à la vue d’une immense vallée s’étendant sur plusieurs kilomètres. Enfin
un sol plat ! Nous déchantons cependant très rapidement : le terrain
marécageux par endroit, ainsi que les nombreuses petites rivières à traverser, mettent
nos talents de trekkeurs en herbe à plus rude épreuve encore qu’auparavant.
Mine de rien, la journée passe vite, et après six heure de marche
intensive, nous apercevons le petit refuge qui va nous abriter pour la nuit. Il
s’agit évidemment d’une petite cabane en bois rudimentaire, sans eau courante
ni électricité, mais elle comporte des couchettes avec des matelas et un feu
ouvert, autant dire le luxe par rapport à une tente de camping.
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Des dortoirs rudimentaire de ce genre sont disséminés à travers toute la Nouvelle-Zélande. |
Une jeune hollandaise se trouve déjà dans le refuge au moment où nous
arrivons. La discussion étant aisée, elle nous apprend qu’elle a passé les huit
dernières années de sa vie à vivre dans la nature avec son compagnons, chassant
le possum pour se nourrir, et allant de temps à autre en ville pour chanter
devant les supermarchés afin de gagner de quoi s’acheter du sel et de l’essence.
Décidément on rencontre des gens aux modes de vie très variés en
Nouvelle-Zélande.
Nous cuisons des pâtes et une sauce tomate sans possum, et passons le reste
de la soirée à discuter et nous reposer. La fatigue et l’insuffisance de l’éclairage
aidant, nous allons nous coucher tôt, heureux de pouvoir nous allonger quelques
heures.
Le lendemain, nous nous remettons en route après un petit déjeuner très
énergétique. Les premières heures de marche nous laisse enfin jouir d’un sol relativement
plat, et nous pouvons à loisir admirer des paysages encore plus époustouflants
que la veille. Les scènes qui se présentent à nous sont d’autant plus
majestueuses que nous sommes les seuls êtres humains en vue, le reste de la
faune étant composée d’oiseaux et de quelques lapins çà et là. Nous nous
sentons très petit dans cette vallée sauvage entourée de monolithes montagneux.
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Méfiez-vous de l'eau qui ne dort pas. |
Malheureusement, cette sérénité ne pouvait durer. Nous le comprenons après
avoir franchi deux rivières dont les courants sont plus violents qu’en
apparence. J’aurais d’ailleurs été emporté par un des torrents sans la main salvatrice
de notre meneur. Nous n’avons pas le temps de nous remettre de nos émotions,
car face à nous se tient une pente dont la verticalité vertigineuse ne nous
avait même pas fait envisager d’escalader. Ce n’est bien sûr pas l’avis des
petites balises oranges judicieusement placées tout le long de la montée, et
nous devons nous résoudre à faire souffrir nos mains et nos genoux pour nous
hisser tant bien que mal au sommet de cette butte. Heureusement, « that was the hardest part ».
Tu parles.
La suite du voyage se passe à nouveau en forêt, sauf que pour corser les
choses, la tempête du mois dernier a semé une multitude de branches et troncs d’arbres
tout le long du sentier. Nous nous rendons compte que la marche de la veille n’était
qu’une balade champêtre comparée à ce que nous devons endurer à présent. La
suite des réjouissances consiste en une nouvelle côte à devoir gravir, sous une
fine pluie cette fois, soyons fous, avant de nous laisser enfin atteindre le
sommet. Ouf !
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Nous aurions mieux profité de cette vue sans la pente à 70° sous nos pieds. |
Ah ben oui bon maintenant il faut tout redescendre, avec l’inclinaison qui
va avec, finalement ce dernier morceau du trajet s’avère bien pire encore que
la montée, à cause des chocs à devoir amortir à chaque pas. Mes genoux s’en
souviennent encore quatre jours plus tard. Après avoir réussi à ne pas mourir
les os fracassés dans une chute spectaculaire dans le vide, la vision du
panneau qui indique la fin de nos supplices est quand même assez réconfortante.
Victoire ! Les cris de joie fusent, nous sommes tous soulagés d’être enfin
au bout du parcours. Même notre responsable semble heureux.
Meurtris mais fiers de nos exploits, nous reprenons la route en profitant
une dernière fois des décors stupéfiants des Alpes néozélandaises tout au long
du trajet. Une fois à Christchurch, nous nous octroyons un bon resto pour nous
remettre de nos émotions, sans prendre le temps de nous changer of course, nous ne sommes plus à ça
près. Et un nouveau souvenir impérissable s’ajoute dans nos cerveaux d’explorateurs
amateurs…
*Pour les non-anglophones parmi vous : C’était la partie la plus dure
En bonus, ne loupez pas la petite vidéo ci-dessous que j'ai faite spécialement pour vous! (Mettez le volume à fond pour profiter de l'accompagnement musical; le son n'est malheureusement pas très fort).